Je vois aujourd'hui qu'une qualité commune à tous mes amis était lenaturel ou l'absence de l'hypocrisie. Mme Vignon et matante Séraphie m'avaient donné, pour cette première des conditions desuccès dans la société actuelle, une horreur qui m'a bien nui et quiva jusqu'au dégoût physique. La société prolongée avec un hypocriteme donne un commencement de mal de cœur (comme, il y a un mois,l'italien du chevalier Naytall oblige la comtesse Sandre à desserrersou corset).
Ce n'était pas par le naturel que brillait le pauvre Grand-Dufay,garçon d'infiniment d'esprit; aussi ne fut-il jamais que mon amilittéraire, c'est-à-dire[p. 2] rempli de jalousie chez lui, et chez moi dedéfiance, et tous deux nous estimant beaucoup.
Il remporta le premier prix de grammaire générale la même année, ceme semble, que je remportais le premier prix de belles-lettres. Maisquelle lut cette année? Fut-ce 1796 ou 1795[2]? J'aurais grand besoindes archives de la Préfecture; nos noms étaient imprimés en pancartein-folio et affichés. La sage loi de M. de Tracy environnait lesexamens de beaucoup de pompe. Ne s'agissait-il pas de l'espoir de lapatrie? C'était un enseignement pour le membre de l'administrationdépartementale, produit moral du despotisme de Mme Du Barry,autant que pour l'élève.
Qu'y avait-il à faire, en 1706, de tous les hommes qui avaient plus devingt ans? Sauver la Patrie du mal qu'ils étaient disposés à lui faire,et attendre tant bien que mal leur death[3].
Cela est aussi vrai que triste à dire. Quel allègement pour le vaisseaude l'Etat, en 1836, si tout ce qui a plus de cinquante ans passait toutd'un coup ad patres! Excepté, bien entendu, le Roi, ma Femme et Moi.
Dans une des nombreuses illuminations qui avaient lieu tous les mois,de 1789 à 1791, un bourgeois mit ce transparent:
VIVE
LE ROI
MA FEMME ET MOI[4]
Grand-Dufay, l'aîné de quatre ou cinq frères, était un petit, êtremaigre et peu fourni de chairs, avec une grosse tête, une figurefortement marquée; de petite vérole et cependant fort rouge[5], desyeux brillants, ma