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LA MAISON

Henry Bordeaux.

eorum memoriae qui domum et aedificaverunt et salvam servaveruntsacrum

LIVRE PREMIER

I
LE ROYAUME

—Où vas-tu?

—A la maison.

Ainsi répondent les petits garçons et les petites filles qu'onrencontre sur les chemins, sortant de l'école ou revenant des champs.Ils ont des yeux clairs et luisants comme l'herbe après la pluie, etleur parole, s'ils ne sont pas effarouchés, pousse toute droite, à lamanière des plantes qui disposent de l'espace et ne sont pas gênéesdans leur croissance.

—Où vas-tu?

Ils ne disent pas «Nous rentrons chez nous.» Et pas davantage «Nousallons à notre maison.» Ils disent la maison. Quelquefois, c'est unemauvaise bicoque à moitié par terre. Mais tout de même c'est lamaison. Il n'y en a qu'une au monde. Plus tard, il y en aura d'autres,et encore n'est-ce pas bien sûr.

Et même de jeunes hommes et de jeunes femmes, et des personnes d'âge,et des gens mariés, s'il vous plaît, se servent encore de cetteexpression. A la maison, on faisait comme ci, à la maison, il y avaitcela. On croirait qu'ils désignent leur propre foyer. Pas du tout:ils parlent de la maison de leur enfance, de la maison de leurs pèreet mère qu'ils n'ont pas toujours su garder ou dont ils ont changé leshabitudes, et c'est tout comme, mais qui est immuable dans leursouvenir. Vous voyez bien qu'il n'y en a pas deux…

J'étais alors un collégien, oh! rien qu'un débutant de collège, septou huit ans peut-être, sept ou huit ans je crois. Et je disais lamaison, comme on dit au lieu de la France la patrie. Cependant jen'ignorais pas qu'on lui donnait d'autres noms qui pouvaient retentiravec un son plus riche aux oreilles d'un enfant. Une nourriceitalienne, engagée pour le dernier-né, l'appelait il palazzio, enarrondissant la bouche sur le second a pour susurrer ensuite avec unedouceur mourante la dernière syllabe. Le fermier qui apportait lecens, ou seulement un acompte, ou seulement quelque volaille pourinviter le maître à être patient, prononçait le château, avecplusieurs accents circonflexes. Une dame, venue en visite, et quiétait de Paris, —on reconnaissait bien qu'elle était de Paris auface-à-main dont elle se servait, —avait solennellement proclamévotre hôtel. Et pendant la crise que je raconterai, quand on suspendità la grille un écriteau déshonorant, on pouvait lire sur l'inscriptionVilla à vendre. Villa, hôtel, château, palais, comme tous ces termesmajestueux, malgré leur prestige, sont incolores! A quoi bonemberlificoter la vérité? La maison, cela suffit. La maison, cela dittout.

Elle vit toujours: elle en a une longue habitude. Vous n'auriez pasde peine à la trouver: dans tout le pays on l'appelle la maisonRambert, parce que notre famille l'a toujours habitée. Et même on l'aréparée avec soin, avec trop de soin, de la cave au grenier, rajustéeet rafistolée, recrépie et revernie à l'intérieur et à l'extérieur.Sans doute on ne peut pas les laisser éternellement s'effriter, et lavétusté des habitations ne se revêt de poésie que pour les visiteursde passage. Le train ordinaire des jours a ses exigences. Mais on netient guère à la jeunesse de sa maison, pas plus, en somme, qu'on netient à celle de ses parents. Jeunes, ils sont moins à nous, ils sontencore à eux-mêmes, ils ont droit à une existence particulière, tandisque, plus tard, notre vie est leur vie, et c'est tout ce que nousdemandons, car nous ne sommes pas difficiles.

Avant qu'on ne l'eût r

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